mercredi 16 septembre 2015

Respire



Auteur: Anne Sophie Brasme

Editeur : Le livre de Poche 

Prix: 5,10 euros

Résumé:

Charlène est une enfant comme les autres, qui vit sans trop se poser de questions, prend ce qu'on lui donne et ne demande rien. Elle habite un immense appartement à Paris avec ses parents, pas très aimants ni très amoureux.

Charlène souffre: elle est asthmatique, se sent incomprise, mal aimée. Avec l'entrée au collège commencent de longs mois difficiles, de solitude et d'attente. Jusqu'à l'arrivée de Sarah, brillante, magnétique. Une amitié naît, qui pour Charlène est un don inespéré de la vie, un émerveillement. Avant les petites déceptions, les souffrances, la passion lui le désespoir.

Une roman d'une vérité hallucinante écrit par une femme fille de 17 ans.

Mon avis:

Pour mon grand retour sur la blogosphère j'ai absolument voulu commencer par chroniquer  un "roman coup de fouet": Respire de Anne Sophie Brasme. Il faut savoir que la première édition de cette oeuvre date de 2001 et qu'elle avait notamment reçu le prix du premier roman de l'université d'Artois et qu'à l'époque, comme l'énonce le résumé, l'auteur n'était âgée que de 17 ans. Aujourd'hui si l'on suit son parcours on ne s'étonne pas de voir notre chère écrivaine sur les bancs de la Sorbonne... du point de vue, bien sûr, du professeure agrégée de lettres modernes. 

Ce roman, qui avait déjà eu un très beau succès à l'époque, a eu l'honneur de bénéficier d'une nouvelle tribune grâce à son adaptation cinématographique de Mélanie Laurent (que j'ai d'ailleurs refusé de voir avant de lire le bouquin). Autant vous dire que cette oeuvre est, pour moi, un véritable coup de poing. Chaque parole m'a bouleversé et je n'ai pu lâché l'ouvrage avant de l'avoir terminé.

L'auteur y aborde des thèmes très délicats, dont l'amitié, l'amour, la recherche d'une "raison de vivre"..., dans cette période charnière qu'est l'adolescence. On suit donc sur plusieurs années le point de vue de Charlène,  jeune fille qui voit se dérouler sa vie sans en apprécier la saveur. Ce personnage m'a véritablement heurté l'esprit puisque je retrouve dans son caractère, dans son rapport à l'existence, cette espèce de mélancolie, de tristesse que nous sommes relativement tous amené à ressentir au moins une fois dans notre vivant. 

Dès lors je me suis identifiée à Charlène, malgré les actes qu'elle pourra mener et tous les reproches qu'on peut lui faire, qui m'est apparue comme la traduction des paradoxes de notre époque : c'est à la fois une jeune intelligente qui mobilise son esprit pour s'interroger sur la vie mais à la fois une jeune fille sensible, évoluant dans un environnement familial morne sans être désagréable, subissant une société individualiste qui la pousse (comme nous tous également) à trouver une raison d'être, un but, sous peine de tomber dans l'anonymat.

Et voici que débarque Sarah, charismatique au possible, dans la vie de Charlène au moment où celle ci commençait à tester les limites de sa vie. Une relation amicale débute entre les deux jeunes filles jusqu'à ce que Sarah devienne la plus "fidèle" amie de Charlène. Cette première est un personnage très "brutale", c'est une dominante qui connait ses qualités, sait jouer de ces défauts et se saisir des opportunités qui s'offrent à elle. Au final nos deux acteurs forment un duo totalement antinomique et on se doute que seul le brasier pourra résulter d'un tel assemblage. 

L'amitié entretenue entre les deux jeunes filles nous bouleverse, amitié obsessionnelle qui tel un tsunami ravage tout sur son passage. Tout au long de leur relation les deux jeunes filles nous apparaissent comme prisonnières d'une amitié qu'elles ne contrôlent plus. On hurle contre elles, on s'agite, on se demande si une telle situation est possible et l'effroi s'empare de nous lorsqu'on prend conscience que certains des rapports décrits dans l'ouvrage ne nous sont pas aussi inconnus que cela.  

Ainsi on assiste, impuissant, à la conclusion du roman que nous connaissons depuis le début de l'oeuvre mais qu'on s'évertue à nier tout au long de notre lecture. Assister à un tel déchainement de violence psychologique et physique entre les deux personnages est très lourd à supporter pour le lecteur et je dois dire que cela m'en a coupé le souffle à plusieurs reprises. J'ai notamment ressenti une très  grande culpabilité, lors du dénouement, lorsque je me suis mise à partager les sentiments et les émotions de Charlène après qu'elle ait effectué son acte. En clair l'auteur nous amène habilement à nous remettre en question, à défier nos préjugés et à nous confronter à un "moi" que nous ne voulons pas forcément reconnaitre.

Aussi dans l'analyse du rapport Charlène/Sarah j'ai eu l'impression de retrouver un rapport de force que l'on peut retrouver dans les sociétés contemporaines : celui entre le faible et le fort.  Dès lors au delà de nous conter l'histoire d'une amitié obsessionnelle Anne Sophie Brasme nous éveille et nous questionne sur la réalité des rapports entre les individus de notre société. 

Je finis cette chronique, que j'aurai eu beaucoup de mal à construire tellement les émotions ont été vives et spontanées, en vous conseillant de vous jeter sur ce roman qui laissera, sans aucun doute, une trace indélébile dans votre esprit. Selon moi cette oeuvre de qualité mériterait qu'on la place au même rang que certains de nos plus grands classiques. 

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